Vous percevez du rouge ? Il n’y en a pourtant pas

Vous percevez du rouge ? Il n’y en a pourtant pas

Une nouvelle illusion couleur qui explique autant qu’elle questionne

Deux chercheurs de l’Université technique de Toyohashi (Japon) ont découvert une nouvelle illusion d’optique et en même temps jeté un nouvel éclairage sur une contradiction centenaire.

On ne voit jamais l’objet tel qu’il est physiquement

Quand on observe un objet, on reçoit un stimulus lumineux qui est le reflet de la source lumineuse incidente modifiée par l’objet. Si la couleur ou la luminosité de la source incidente change, la lumière réfléchie par l’objet changera également. Cependant, notre système visuel peut immédiatement percevoir l’objet comme étant de la même couleur, ce que l’on appelle la constance de couleur. Et ce processus important qui permet une perception cohérente de l’objet à tout moment est dû au phénomène d’adaptation chromatique et lumineuse.

Mais l’on sait aussi très bien, grâce au traité de Michel-Eugène Chevreul « sur les contrastes simultanées », que les couleurs interagissent les unes sur les autres, et ainsi que 2 couleurs mises à côte à côte, perdent tout ce qu’elles ont en commun pour ne montrer que leurs différences, en s’enrichissant de la couleur complémentaire de l’autre.

Que ce soit par l’analyse des effets de Hunt, de Stevens, d’Helmholtz-Kohlrausch, de Bezold-Brucke ou que ce soit par les nombreuses illusions d’optiques maintenant bien connues, tel que le damier d’adelson, tout le monde a parfaitement conscience que notre sensation colorée est autant influencée par l’environnement, par les observateurs que par les couleurs elles-mêmes.

Effet Helson-Judd contre la troisième loi de Kirschmann

Et si, au milieu du 19ème siècle, Michel-Eugène Chevreul notait que « le manque de vigueur » reproché à ses noirs était dû au phénomène de contraste de couleur et provenait de la couleur qui y était juxtaposée.  Il est intéressant de constater que ce phénomène a toujours conduit à confronter deux théories distinctes. La troisième loi de Kirschmann et l’effet Helson-Judd.

La troisième loi de Kirschmann est l’une des cinq lois du contraste de couleur rapportées par le psychologue allemand August Kirschmann en 1891. Le contraste des couleurs fait référence à l’effet des couleurs environnantes sur la cible centrale, provoquant une opposition de la perception des couleurs à l’environnement, ce que l’on appelle la couleur complémentaire. Le contraste des couleurs est plus prononcé lorsque la luminosité de la périphérie et du centre est égale: c’est le fait que souligne Kirschman.

L’effet Helson-Judd doit son nom au psychologue Harry Helson qui l’a remarqué en 1938 et au physicien Deane B. Judd qui l’a formulé deux ans plus tard :

Un phénomène au cours duquel l’apparence de la couleur change en fonction de la luminosité (albédo, réflectance) d’un objet. . Dans des conditions précises, les échantillons les plus clairs que le fond prennent la teinte de la source lumineuse et les échantillons les plus sombres que le fond, prennent au contraire la teinte complémentaire.

 « La troisième loi de Kirschman montre que le contraste couleur est plus fort lorsque la luminosité est égale. En revanche, l’effet Helson-Judd montre que plus le contraste lumineux est grand et plus le contraste couleur est fort. Ces théories sont clairement contradictoires ».

Une ligne grise qui vire au rouge

Dans une étude publiée en novembre 2020 dans la revue Scientific Reports, est présentée une nouvelle illusion d’optique qui pourrait bien réconcilier ces deux théories. Il se produit lorsqu’une ligne grise sur un fond cyan apparaît en rouge lorsqu’elle est bordée de deux lignes blanches.

Ce contour blanc déclenche donc l’illusion d’optique. S’il fait plus sombre, l’illusion d’optique disparaît. Mais si la ligne grise s’assombrit et que les lignes blanches persistent, alors l’illusion est maintenue. En rendant la ligne grise centrale plus claire ou plus foncée, les chercheurs ont donc pu jouer sur le contraste.

– Les résultats ont montré que plus la ligne grise est foncée, plus l’effet de contraste est fort, ce qui est cohérent avec l’effet Helson-Judd.

– Et d’autre part, lorsque le contour blanc est supprimé et que la ligne grise est placée directement sur le fond coloré alors le contraste est plus fort lorsque la luminosité est la même partout. Ceci est conforme à la troisième loi de Kirschmann ».

C’est donc la présence ou l’absence des lignes blanches qui permet de basculer entre les deux théories contradictoires et de passer du gris au rouge.

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