Réflexions philosophiques sur la nature des couleurs et leurs dénominations.

Réflexions philosophiques sur la nature des couleurs et leurs dénominations.

Combien de couleurs peut-on discerner ? Dans combien de catégories peut-on les classer ? Retrouve-t’on les mêmes catégories dans les dans les différentes langues du monde ? La dénomination des couleurs reste un reste un sujet complexe et contesté où s’opposent, depuis près de 50 années, 2 grandes visions. Des travaux récents ont ouvert une 3ème voie mais en fait, nous avons le sentiment d’être encore loin de la vérité.

Un point de vue, majoritaire, soutient que les catégories de couleurs sont organisées autour de couleurs focales. Démarré par les travaux de Berlin et Kay, cette pensée justifie la dénomination des couleurs par une organisation hiérarchique quasi universelle du lexique des couleurs.

Ainsi, on prétend souvent que les catégories de couleurs dans les langues du monde sont organisées autour de six couleurs focales universelles correspondant aux termes noir, blanc, rouge, vert, jaune et bleu ou comparables dans d’autres langues.

Dans cette optique, les limites des catégories de couleurs sont projetées à partir de ces couleurs universelles et ont donc tendance à se trouver dans des positions similaires dans l’espace colorimétrique à travers les langues.

Un point de vue opposée soutient plutôt que les catégories sont définies à leurs limites par convention linguistique. Basée sur un relativisme culturel, construite initialement par l’hypothèse Sapir Worth qui déclare que le langage précède la pensée. Cette approche justifie que la façon dont on perçoit le monde dépend du langage.

De ce fait, le point de vue «relativiste» opposé nie que ces 6 couleurs soient une base universelle pour la dénomination des couleurs et soutient plutôt que les catégories de couleurs sont définies à leurs frontières par une convention linguistique locale, qui est libre de varier considérablement d’une langue à l’autre.

En 2007, ces deux points de vue opposés ont été contestés par une étude (Terry Regier , Paul Kay et Naveen Khetarpal) qui plaidait pour une troisième vue basée sur une proposition de Jameson et D’Andrade (Jameson KA, D’Andrade RG (1997) dans Color Categories in Thought and Language). Cette dénomination des couleurs à travers les langues reflèterait les divisions optimales ou presque optimales d’un espace colorimétrique perceptif de forme irrégulière. Les auteurs formalisent cette idée, en démontrant que la dénomination des couleurs tient compte à la fois des tendances universelles en matière de dénomination mais aussi en intégrant certaines variations inter-langues observées.

Selon les auteurs, il existe des univers de dénomination de couleur qui se regroupent près des six couleurs focales proposées. Ces résultats sont cohérents avec l’approche de la couleur focale et incompatibles avec l’approche des conventions linguistiques. Cependant, malgré ce regroupement près des six foyers, les meilleurs exemples de nombreuses catégories de couleurs se situent ailleurs, une constatation moins facilement acceptée avec l’approche des couleurs focales.

De plus, les langues ayant le même nombre de catégories, apparemment organisées autour de foyers identiques ou similaires, diffèrent parfois dans leur placement des limites de catégorie, ce qui suggère que les limites des catégories sont déterminées par plus que les six foyers universels proposés.

Une explication possible est la forme irrégulière de l’espace colorimétrique. le principe de fonctionnement pourrait être ainsi : Les catégories sont construites de manière à maximiser la similitude au sein des catégories et à la minimiser entre les catégories.

Chez NewColor, nous aimons à rappeler que la couleur n’a aucune existence physique ! Ni la lumière, ni la matière ne sont colorées. Et les neurosciences nous démontrent que la couleur n’est qu’un ressenti, une pure construction de l’esprit qui n’a cessé d’évoluer au cours du temps. Et que la construction par le cerveau de cette information ne vise qu’à nous permettre de mieux distinguer et comprendre l’environnement dans lequel nous vivons. Il nous paraît essentiel d’intégrer que la « vision des couleurs » n’existe pas et que l’on ne peut parler que de « vision colorée »

Ainsi aussi, il est essentiel de bien appréhender les 2 concepts très différents que sont les différences entre les couleurs et les différences de couleurs. Il n’y a qu’ainsi que l’on peut approcher les différences entre le nombre de couleurs que l’on peut mémoriser, décrire, reconnaître et le nombre de couleurs que l’on différencier et comparer.

La perception des couleurs n’est pas un phénomène naturel, anhistorique, ni d’emblée individuel. Comme le démontre si bien Georges Roque, c’est d’abord une activité culturelle et collective. Et cette activité culturelle, collective, historique est régie par certaines lois et certaines règles.

Par exemple, les couleurs complémentaires constituent un paradigme depuis plus de 100 ans et régit notre façon de voir les couleurs, de les harmoniser et d’en comprendre les mécanismes.

L’activité perceptive constitue un processus actif (et non passif), interactif (et non isolé), cognitif (et non purement visuel). Ainsi, la perception est un processus d’interprétation, qui repose sur un savoir, qui n’est qu’une conséquence des conditions paradigmatiques à un moment dans une culture donnée.

De ce fait, tout individu possède un « système chromatique » minimal. Et par système chromatique, on entend l’ensemble des facteurs conscients ou inconscients, implicites ou explicites qui organisent la perception chromatique de chacun.

Tout système chromatique contient donc à la fois des aspects collectifs qui relèvent du paradigme dominant la perception des couleurs à un moment donné, et des aspects individuels, des variantes propres à chacun. (Georges ROQUE)

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